22 juin 2025.
3 heures du matin.
J’ouvre grand les yeux et je regarde ma montre. Encore une heure avant que mon alarme ne sonne. Trop tard, je suis déjà bien réveillée. Aujourd’hui n’est pas une journée comme les autres. Je ferai mon premier triathlon. Le Ironman 70.3 de Mont-Tremblant — rien de moins.
Je pense à ma sœur jumelle Nancy qui dort en bas. C’est elle qui m’a embarquée dans cette folle idée sortie de nulle part, en octobre dernier. “Il me semble que ce serait le funnn faire un demi-Ironman!!” On courait à ce moment-là, mais on ne savait pas nager et on avait à peine fait quelques sorties de vélo. Depuis sept mois, nos vies se résument à s’entraîner, et à ne penser et ne parler que de triathlon et de cet objectif fou qu’on s’est fixé. Ça y est, c’est aujourd’hui que tout culmine.
J’enfile mon trisuit encore neuf. Je l’ai acheté il y a quelques semaines, mais c’est aujourd’hui qu’il sera mis à l’essai pour la première fois. Je me sens belle et confortable dedans. Ça augure bien.
Il fait encore noir dehors. On est encore pleines du copieux repas de pâtes de la veille au soir, mais on se force quand même à déjeuner vers 4h30. C’est sûrement aussi la nervosité qui nous coupe la faim. Un gruau au kéfir avec des fruits et du granola pour plus de glucides avant la grande course.
Mon sac de transition est fait depuis la veille. Un grand sac bleu IKEA dans lequel chaque sport est soigneusement séparé de l‘autre, pour m’y retrouver rapidement durant les transitions. Je repasse son contenu une dernière fois pour m’assurer que tout y est:
🏊🏼♀️ Wetsuit, casque de bain, lunettes de natation.
🚴🏼♀️ Bas (qui serviront à la fois pour le vélo et la course), souliers à clips, casque, lunettes de soleil.
🏃🏼♀️ Souliers de course, ceinture de course à laquelle est attaché mon dossard, casquette.
On remplit nos bouteilles d’électrolytes et d’eau, et notre petit sac de nutrition (celui qu’on fixera sur la barre de notre vélo) de bouchées de riz, de barres d’énergie et de dattes. J’ajoute à mon grand sac des petites flasques de sirop d’érable à glisser dans mes poches pour la course, plus de riz, des jujubes, une banane, et un bagel - fuel d’extra à attraper entre deux sports si je manque d’énergie.
On loade les sacs dans le camion. Ça y est, c’est le grand départ. On ne peut plus reculer.
J’ai la fébrilité au ventre, et les pensées qui spinnent dans tous les sens. Mon mental est beaucoup plus agité qu’à l’habitude, mais je m’efforce de rester calme et présente.
Je me suis fait une seule promesse pour aujourd’hui: savourer chaque instant de cette journée unique, et avoir du FUNNN.

Dans l’auto, on remarque que nos montres nous suggèrent à toutes les deux de prendre ça relax aujourd’hui. “Time to Slow Down”, qu’elle me dit. Ça m’aurait joué dans la tête il n’y a pas si longtemps. Ce matin, je trouve ça vraiment cocasse et ça me fait bien rire. Prête pas prête, c’est la plus grosse journée de sports de ma vie qui m’attend.
Après un court trajet de notre Airbnb jusqu’au village de Tremblant, on arrive à l’immense zone de transition où les 3000+ vélos des athlètes ont passé la nuit. On croise des gens de tous genres. Certains gonflent leurs pneus, d’autres s’enduisent de baume à chamois. Je me demande s’ils ont la peur au ventre eux aussi. Je nous trouve tellement beaux et hot de faire ça.
On se fraye un chemin jusqu’aux numéros 2832 et 2833. On dépose nos grands sacs bleus et tout notre attirail sportif sous nos vélos.
On enfile nos wetsuits jusqu’à la taille et on se dirige vers la plage où se fera le départ de la nage, première discipline de la journée. Je me sens bien et heureuse. La température est parfaite. On aperçoit le Lac Tremblant dans lequel on nagera bientôt, calme et immaculé comme un miroir. Que c’est beau, que c’est magique.
Première étape: 1.9 km de nage
L’ambiance à la plage est incroyable. Le tapement de mains de milliers de personnes résonnent à l’unisson. Je sens que je fais partie de quelque chose de beau et de grand et les larmes me montent aux yeux. L’hymne national vient donner le coup d’envoi officiel de l’événement. Je me surprends à penser que les hymnes nationaux sont réservés aux vrais athlètes. Suis-je une athlète? Peut-être qu’aujourd’hui je commencerai à y croire. Cette pensée me fait sourire.
Il y a plus de casques verts que de roses, mais les femmes aussi ont répondu à l’appel. Je nous trouve belles et fortes. J’apprends de l’animateur au micro que je fais partie des 60% d’athlètes sur la ligne de départ pour qui ce sera leur tout premier Ironman 70.3! Je nous trouve complètement fous, mais surtout incroyablement courageux.
Je me demande combien d’entre eux se sont inscrits sur un coup de tête, combien tenteront de faire un PB, combien courront en l’honneur d’un ami parti trop vite, et combien se sont retrouvés ici, comme moi, sans trop savoir pourquoi. Je pense aux 3000+ raisons différentes qui ont conduit ces gens sur cette plage ce matin. Ça m’émeut de penser à ces humains qui ont chacun leur petite histoire, et qui accompliront quelque chose d’immense aujourd’hui.
À 7:00 AM, le sifflet annonce le coup d’envoi des premiers athlètes qui se lancent à l’eau. Nancy et moi sommes entassées pas très loin derrière l’affiche qui indique “43-45 minutes”. Il faudra attendre presque une heure de plus avant de pouvoir sauter à notre tour. Mon déjeuner est maintenant loin et j’ai déjà faim. Je regrette de ne pas avoir apporté une bouchée avec moi. Il commence à faire chaud dans nos wetsuits et j’ai juste vraiment hâte de me mouiller. Je pense aux athlètes les plus rapides qui sont déjà montés sur leurs vélos à l’heure qu’il est. Vers 7h50, c’est enfin notre tour.
Ça y est. Je m’avance vers la grande arche. J’ai tellement imaginé ce moment. Il est ici, maintenant. Je sais qu’il est précieux. Je vais tenter de l’honorer.
Le sifflet retentit et on se jette dans le lac.
L’eau glaciale coupe instantanément mon élan. Choc. J’ai de la difficulté à respirer. Nancy est tout juste devant moi et reprend son souffle elle aussi. Je regarde anxieusement autour de moi. Certains nagent sur le dos, d’autres lentement en brasse. Ils semblent s’acclimater eux aussi. Ok, je ne suis pas seule. Respire. Calme-toi. Tu as appris à nager. Tu sais ce que tu dois faire.
Je mets enfin la tête sous l’eau et je nage en crawl. C’est bon, je me rappelle comment faire. I’ve got this.
On décide de nager côte à côte, Nancy et moi. Elle est calme et en confiance. Ça me rassure de l'avoir tout près de moi. Je suis son lead. Je reçois des coups de pieds et des coups de bras. Garde le focus sur ta propre nage. Ne perds pas Nancy des yeux. Une respiration à la fois.
Mon mental est agité. Je sais qu’il en faudrait peu pour que je panique. Mais j’ai décidé qu’aujourd’hui, je ne paniquerais pas. Je nage dans le Lac Tremblant avec des centaines de personnes et je trouve ça complètement fou et irréel.
On sort régulièrement la tête de l’eau pour se faire un thumbs up et s’assurer que tout se passe bien. Nancy a le sourire aux lèvres chaque fois. Je remercie le ciel de l’avoir à mes côtés. Elle me met en confiance. Le premier kilomètre me paraît long. Mais une fois la première bouée rouge contournée, le temps commence à s'accélérer. Je n’ai pas encore paniqué. Ça va bien. Je suis encore en train de nager! Yesss. Mais on est donc ben hot de faire ça.
On contourne la deuxième bouée rouge. Mon dieu, déjà le chemin du retour!
Avec un mélange de “déjà” et “enfin”, je vois le fond du lac, juste avant que mes pieds se posent sur son sol sablonneux.
Nancy et moi sortons de l’eau. Une bénévole me hurle quelque chose que je ne comprends pas. Je crois qu’elle me crie de me dépêcher à enlever mon wetsuit? C’est correct madame, je ne suis pas pressée. Je suis sur la terre ferme. J’ai survécu. Je savoure ce moment précieux.

Je pense à la Sophie d’il y a sept mois qui n’avait jamais nagé le crawl et était incapable de faire 25 mètres en piscine. Je peine à croire qu’elle vient de nager 1.9 km dans les eaux glacées du Lac Tremblant. Je suis émue et fière d’elle.
Je suis étourdie, mais la solidité de la terre ferme et le confort du tapis rouge sous mes pieds sont rassurants. On jogge pieds nus jusqu’à la zone de transition, le sourire aux lèvres.
T1 (ou transition 1 entre la nage et le vélo)
Arrive à la zone de transition. Enlève le wetsuit. Essuie les pieds mouillés. Tente de mettre les bas. Attends, les mains doivent dégeler d’abord. Incapable de bouger les doigts. Prends une gorgée d’eau. Ça prendra le temps qu’il faut.
Les doigts dégèlent tranquillement. Je réussis enfin à mettre bas, souliers et casque. Vélos en mains, Nancy et moi nous dirigeons vers la grande arche sur laquelle est écrit “BIKE OUT”.
Deuxième étape: 90 km de vélo
Il y a du traffic à la ligne de départ, on est plusieurs à monter sur notre selle en même temps. Nancy est tout juste derrière moi. Clip dans les pédales. On se crie quelque chose comme yeahh c’est partiii.
Je m’avance avec cet immense sentiment d’expansion, que seul ce sport sait m’apporter. Le vent au visage, l’espace dans le coeur, la liberté au ventre.
Je me retourne pour voir si Nancy est encore là, mais je l’ai déjà perdue. On se doutait que ça arriverait. Je me demande si je devrais l’attendre. Mais il y a tellement de monde, ce serait difficile et sûrement dangereux. Je continue à mon rythme.
Un cycliste me lance: “Beau vélo!”
Je pense aux centaines de vélos de triathlon à 15 000$ qu’il y a ici et ça me fait rire. Je lui souris. “Mercii!”
Je découvre le parcours pour la première fois. Je suis émerveillée comme une enfant le matin de Noël. Je ne l’avais fait que virtuellement, un mois plus tôt. Mon dieu, il est tellement plus beau et plus le fun en vrai! Les paysages sont époustouflants. Une petite brume flotte sur les montagnes. L’air est encore frais. Le vert des arbres est éclatant. Je salue les papillons au passage.
Les kilomètres s’enfilent et je me surprends à avoir du fun comme jamais. On m’avait dit que c’était un parcours difficile, et je redoutais son dénivelé. Mais à aucun moment je ne trouve ça difficile. C’est surtout complètement trippant et magique.
Je dépasse, je me fais dépasser. Je grimpe, je descends. Je ralentis, j’accélère. C’est une orchestration parfaite. Oui, les montées font travailler mes jambes et accélérer mon rythme cardiaque, mais j’anticipe chacune d’elles comme un petit défi à surmonter. Une autre côte? Yesss. La descente qui m’attend de l’autre côté est exaltante!
Ce parcours est exactement à l’image de la vie, que je me dis. On monte, on redescend. Les hauts suivent les bas. On côtoie des gens pendant un petit bout, puis nos chemins se séparent. On est seuls, chacun dans nos têtes, mais on est aussi tous ensemble dans cette belle grande danse. Dans ma tête, la chanson de Lorde joue en boucle: “We’re on each other’s team.”
C’est souvent très solitaire et individuel, les sports d’endurance. Mais en ce jour de course, j’ai l’impression de faire partie d’une grande équipe. On vit tous la même chose.
Sur la 117, je suis surprise par le silence. Pas de mots échangés. Seulement le son des pneus sur le pavé.
Je croise les pros qui arrivent déjà en sens inverse. Ils vont si vite. Je les trouve beaux avec leurs vélos de pro et leurs positions aéro. Je remarque le son caractéristique de leurs roues en carbone qui fendent l’air…. woooooossssshhhhhh. Ça m’impressionne.
Une cycliste passe devant moi. J’aperçois la baguette de pain à moitié entamée qui dépasse de la poche arrière de son trisuit. Je ris. Tous les types de glucides sont bons. Je prends note d’essayer ça la prochaine fois.
J’ai les pieds engourdis. Je tente de desserrer mes chaussures et de bouger mes orteils. Je commence à être inconfortable sur la selle, mais rien de dramatique.
Les deux demi-tours du parcours me permettent de croiser Nancy en sens inverse, quelques kilomètres derrière moi. On se salue et on se crie lâche paaas, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. J’espère qu’elle a autant de plaisir que moi. (Spoiler, oui!).
J’approche la dernière station d’aide. Je fais le compte-rendu de mes victuailles. Je crois qu’il me reste juste assez d’eau pour les 20 derniers kilomètres. Et la pause pipi peut sûrement attendre la transition.
Vers le 80ᵉ kilomètre, je change maladroitement de vitesses dans une montée. Ma chaîne débarque. Je descends de mon vélo pour la remettre. Je repense à un épisode identique vécu un mois plus tôt dans la montée de Camilien-Houde, à Montréal. Ma chaîne avait débarqué, mais je n’avais jamais réussi à la remettre à cause d’un bris sur mon vélo. Pendant une fraction de seconde, la pensée que c’est peut-être ce qui est en train de se reproduire me rend visite. Non, pas aujourd’hui. Je la remet rapidement et je remonte sur mon vélo. Ça fonctionne. All good! Fiouuu.
Les dix derniers kilomètres passent en un éclair. Je franchis l’arche “BIKE IN”, le coeur plein et le sourire aux lèvres. Je n’ai aucune idée de mon chrono et ça ne me frôle même pas l’esprit de regarder ma montre. J’ai beaucoup trop de plaisir.
Déjà la course! La dernière étape de la journée. Ça doit faire 4-5 heures que je fais du sport non-stop mais mon dieu que je trouve que ça passe vite.
T2 (ou transition 2 entre le vélo et la course)
Je m’arrête pour une pause pipi avant d’aller déposer mon vélo. On ne m’avait pas prévenue que de retirer un trisuit collant dans une toilette bleue relèverait presque plus de l’exploit que le sport lui-même! Ça prendra le temps que ça prendra.
Quand j’arrive à ma zone de transition quelques minutes plus tard, mes pieds sont tellement engourdis que je ne les sens presque plus. J’enlève difficilement mes souliers. J’essaie de bouger mes orteils. Je remarque que je saigne sur le tibia. J’ai dû me blesser plus tôt quand ma chaîne est débarquée.
Je masse mes orteils pour tenter de les réanimer. Rien n’y fait. Complètement engourdis, sauf un orteil qui me fait vraiment mal. Peut-être qu’il saigne? Je ne sais pas. Je lui envoie de l’amour.
J’enfile tant bien que mal mes souliers de course. Je remercie le conseiller de la boutique Endurance de m’avoir convaincue de prendre mes chaussures une taille et demie plus grandes qu’à l’habitude. Au moins y’a de l’espace pour les orteils là-dedans.
Troisième et dernière étape: 21.1 km de course
Je quitte pour la toute dernière fois (!) cette zone de transition. J’entends mon fiancé qui crie mon nom. Je me retourne. Ahh que ça fait du bien de le voir! Un petit boost d’énergie pour le dernier stretch de la journée. Un demi-marathon, rien de moins.
Mes jambes sont lourdes mais mon entraînement m’a montré que les premiers pas de course après une longue ride de vélo sont toujours les plus difficiles. Je me dis que les jambes reviendront vite à la normale. Je ne sens toujours pas mes pieds, mais encore là, je me convaincs qu’avec la terre ferme, les pas ramèneront le sang jusqu’à mes orteils.
Un kilomètre, deux kilomètres, trois kilomètres. Je ne sens toujours pas mes orteils et mes jambes sont toujours aussi lourdes. Okk, peut-être pas aujourd’hui.
Je n’avais pas réalisé que le parcours de course comportait autant de côtes. Ça rentre dans les jambes. Le soleil est sorti et il fait maintenant vraiment chaud. Je comprends que je n’arriverai pas à maintenir mon rythme de course habituel. Je ralentis.
Au kilomètre 4, je réalise que c’est sûrement l’une des courses les plus difficiles de ma vie.
Il faut savoir que la course, c’est mon sport. Des trois disciplines, c’est celle qui m’est la plus naturelle et avec laquelle j’ai le plus d’expérience. Depuis le début de mon aventure Ironman, je me dis que la course sera sûrement l’étape la plus facile et la plus agréable. Je ris en pensant à ma naïveté de triathlète débutante. J’ai clairement sous-estimé l’état de mes jambes à ce stade-ci.
Mes pieds sont en douleur mais mon mental reste calme. J’observe les sensations et l’inconfort. Je regarde tous ces gens autour qui sont dans leur propre pain cave. C’est fou quand même. Mais pourquoi on s’auto-inflige ça.
Est-ce que l’humain est accro à la souffrance, ou il est accro au sentiment que ça procure de la surmonter?
Je pense au marathon de septembre prochain auquel je suis inscrite. 42.2 km. Ça va ressembler à ça, que je me dis. Mais dans quoi je me suis embarquée.
Je me remémore mes nombreux séjours de méditation Vipassana et tout ce que mon chemin spirituel m’a enseigné ces dernières années. Observer la souffrance, ne pas s’y accrocher. Simplement la regarder passer. C’est temporaire.
Dès que mon mental m’amène à mes pieds et mes jambes qui souffrent, je travaille à revenir dans mon coeur. Plus les kilomètres s’enfilent et les jambes s’alourdissent, plus je m’efforce d’ouvrir le coeur encore plus grand. J’envoie de l’amour à mon corps — ce qu’il est extraordinaire!!! J’en envoie à tous les autres coureurs autour de moi, qui semblent visiblement souffrir eux aussi.
J’essaie de ne pas penser au nombre de kilomètres qu’il me reste à courir. Je garde le focus sur le moment présent. Je cours ce kilomètre-ci. Je cours ce kilomètre-là. Ce pas-ci, ce pas-là.
C’est un exercice d’ouverture de coeur et de présence, que je me dis. C’est ce qui est demandé de moi.
Mes gels de sirop d’érable me donnent mal au coeur. Trop sucré. Je crois que j’ai un trop-plein de glucides. Au diable l’énergie, je m’en tiendrai à l’eau jusqu’à la fin du parcours.
Je suis tellement reconnaissante pour les bénévoles qui me tendent un verre d’eau. Je prends une gorgée à chacune des stations d’aide. Merci, merci, merci.
Au vingtième kilomètre, j’aperçois mon fiancé au loin. Il en reste unnnnnn! que je lui crie, tellement heureuse de le voir à ce moment précis.
Je n’ai plus de jambes, mais les derniers précieux moments de cette course folle me donnent une énergie nouvelle qui vient de je-ne-sais-où. Ahhh, il ne me reste que quelques minutes pour en profiter!
Je poursuis ma route vers le convoité fil d’arrivée. Le pavé fait place à un long tapis. Les applaudissements et les cris de la foule me donnent des ailes.
J’entends l’animateur crier mon nom au micro. “Sophie Bourdon de Montréal”. C’est moiiii. Je franchis la grande arche, le coeur grand ouvert.
Médaille au cou, je vais retrouver mon amoureux qui m’accueille, les yeux remplis de fierté. Je ne pense même pas à regarder ma montre. Aucune idée du temps que ça m’a pris. C’est lui qui m’annoncera mon chrono final de 6:31:31. Je n’avais pas réalisé à quel point le pace prendrait si peu d’importance face à l’immensité de l’expérience.
Je repense à la moi sédentaire d’il y a un an et demi. Je ne suis plus la même. Je pleure de joie et de fierté en pensant aux sept derniers mois et à toutes les décisions qui m’ont amenées jusqu’ici. Enfiler mes chaussures et sortir courir à –20 °C, me rendre à la piscine quand j’en n’avais pas envie, faire trois heures de vélo sur mon trainer un samedi matin, me jeter dans un lac glacé. Et puis ces 113 kilomètres parcourus aujourd’hui à la nage, à vélo et à la course. J’ai fait tout ça? J’ai peine à y croire.
J’ai une pensée pour ma soeur Nancy qui court encore. Je me demande si elle vit un moment aussi grand que le mien.
Je l’accueillerai à sa propre arrivée, exactement une heure — à la minute près — plus tard.
On se sert dans nos bras. On pleure. On rit. Du gros bonheur. Quelle journée magiqueeee!


Une semaine et demie plus tard, je redescends tout juste du nuage sur lequel je flotte depuis dimanche dernier, et je commence à assimiler l’ampleur de ce que j’ai vécu.
Je me suis rarement sentie aussi vivante que ce jour-là.
J’ai compris que c’est sûrement pour ça qu’on le fait. La souffrance, l’euphorie, les rires, les pleurs, la peur, la fierté, le doute, l’émerveillement. Le sport nous permet de vivre d’infinies nuances sur le grand spectre des émotions humaines. C’est un privilège de pouvoir bouger son corps, et c’en est un encore plus grand de pouvoir ressentir toute cette gamme d’émotions.
Est-ce que je referai un demi-Ironman, ou même un Ironman complet un jour? Si on m’avait posé la question au kilomètre 15 de la course, j’aurais dit omg, jamais de la vie.
Mais aujourd’hui? Ouiii.
Si j’ai la chance de pouvoir encore me sentir aussi vivante, aucun doute, je refais cette folie-là n’importe quand. 😌
Merci de m’avoir lue jusqu’ici! Mes textes ne seront pas tous aussi longs que celui-ci, promis.:) Si vous avez apprécié, n’hésitez pas à aimer, commenter, partager, ou vous abonner - ça fait toujours vraiment plaisir! Vous pouvez aussi me suivre sur Instagram pour des nouvelles au quotidien. 💙
Merci ma belle Sophie de nous partager cette journée incroyable du début à la fin.
Vous nous avez fait vivre une expérience merveilleuse 🫶 qui restera gravée dans nos mémoires à jamais 😘
Beau!